Blanche Franssen making of

Enfant, je voyais souvent des petits bouts de matière de couleur flotter dans la lumière autour de moi, j’essayais de les attraper ils passaient à travers mes doigts je ne pouvais les retenir. Je ne savais pas s’ils venaient de moi, de mon imagination ou s’ils appartenaient au monde extérieur.

Maintenant je sais qu’il y a des petits morceaux de nous partout dans le monde.

Durant des années j’ai accumulé ces morceaux d’objets devenus inutiles: miroirs anciens piqués, chutes de papiers peints, coupons de soieries lyonnaises, lampas, rideaux, saris indiens. Avec l’aide du temps et du miroir je les réorganise en textures nouvelles.

C’est peut-être le paysage intérieur qu’offre ces maisons éventrées en cours de destruction qui me touche le plus.

Mais aussi le papier peint déchiré qui laisse voir d’autres papiers peints posés avant lui, le miroir de travers qui reste attaché à sa paroi, les ultimes traces laissées au mur par des tableaux fantômes, les fissures qui se dessinent, les lambeaux de tissus qui s’agitent encore…

Le dernier spectacle donné par ces morceaux d’inutiles choses humaines m’attendrit.

Après des études de lettres modernes, Blanche Franssen suit une formation d’art à l’atelier Roederer, puis entre à l’école ESMOD où elle apprend le métier de designer textile. Elle obtient le 1er prix du jury présidé par Emmanuel Ungaro. Elle rejoint à Paris le studio Paul Hargittai, Prix de Rome, y poursuit sa formation et crée des dessins textiles pour la mode, la haute couture et l’ameublement. Elle voyage régulièrement en Inde où elle conçoit des collections de tissus puis participe à la direction d’une maison d’édition. Durant des années, elle a accumulé des morceaux de tissus, des papiers peints du XVIIIe siècle à nos jours et des miroirs. Ses œuvres photographiques sont des prises de vues de son reflet dans les miroirs qu’elle a préalablement altérés, et recomposés à partir de dessins, collages de  tissus et de papiers anciens.

« Du chaos naît une étoile. » Charlie Chaplin

Les Miroirs intérieurs

de

Blanche Franssen

Sur des miroirs anciens évoquant les miroirs de Venise, Blanche Franssen crée un univers impressionniste et intime.

Elle joue avec les reflets et les souvenirs, et derrière les images, les fleurs impressionnistes, les fragments de papier peint, les touches de peinture, se dessine une ombre qui questionne le regard. Un autoportrait changeant ? Une observatrice, témoin de notre temps ?

Une artiste qui s’épanouit, disparaît, caresse les couleurs, colle les assemblages et les photographies. Une silhouette, une pensée, qui réapparaissent et s’incrustent entre le rose et l’or cristallisé.

 

L’effet d’illumination, paillettes, brume évanescente, poudre, aussi vaporeuse que les écailles d’argent d’un papillon, se rassemblent en un bouquet de roses et de lucioles.

 

Un voyage qui allie la douceur à la poésie - parfois la mélancolie d’un album photo retrouvé, et revu par l’artiste plasticienne.

Un miroir intérieur et ouvert au monde, tel qu’il est, dans lequel les regardeurs se redécouvrent.

 

Les Miroirs intérieurs de Blanche Franssen, une œuvre tout en finesse, sur laquelle on s’arrête pour rêver, qui nous emmène irrésistiblement vers Proust.

 

Jocelyne Sauvard